« Les voies du Seigneur sont impénétrables », dit la Bible. Tes voix, elles, sont incontrôlables.
Novembre 1982. Tu ne vas pas bien — c’est peu de chose de le formuler ainsi.
Tu as passé le printemps et l’été à Saint-Denis, sur le Richelieu. Tu t’y es retiré pour commencer l’écriture d’une pièce intitulée Un visage dans mon rêve. L’héroïne en est Laure Conan, première romancière québécoise. Un drame romantique. Presque un mélodrame, si ce n’était du souffle épique que tu t’es découvert et que tu as prêté, le temps de la pièce, à Laure, cette chère Laure, qui est devenue une sorte d’amie imaginaire.
Tu n’aurais peut-être justement pas dû te « retirer » ; les longues journées et soirées de solitude, les promenades à n’en plus finir pour tenter d’étouffer les voix qui t’agressent de plus en plus violemment.
***
Les voix ! Elles se sont tricoté un cocon douillet dans la bouillie qui te fait office de cerveau et elles en émergent quand bon leur semble. Elles ne te demandent aucune permission avant de t’envahir jusqu’à te faire paniquer. Quand tu étais enfant, on t’avait dit que c’était la voix de ta conscience. Tu la trouvais pas mal bavarde et, surtout, maniaque. Elle te répétait sans cesse de faire attention, de fuir non seulement le péché, mais l’occasion de pécher — l’impureté était la pire des abominations —, l’occasion, oui, fréquentée en toute conscience, était, elle aussi, un péché. En fait, tout était plus ou moins péché, du moins selon ta compréhension, et la façon que l’on avait eue de te présenter la chose.
Tu connaissais parfaitement la classification des péchés.
1— L’imperfection : Dieu souriait malgré sa déception.
2— Le péché véniel : Dieu fronçait ses sourcils broussailleux et te pointait de son index divin.
3— Le péché mortel : Dieu, en colère, agitait son index dans ta direction et t’indiquait ensuite une immense horloge dont les battements scandaient : « Toujours ! Jamais ! » L’enfer t’attendait, à moins que tu ne te confesses… ou que, assurance contre un risque de mort subite, tu récites un acte de contrition bien senti qui masquerait partiellement la tache indélébile qui défigurait désormais ton âme depuis que tu avais péché mortellement.
Et ce n’était pas tout.
4— Le sacrilège : le jack pot des péchés ! Dieu ne daignait plus te regarder; il n’agitait plus rien dans ta direction. Avec un sacrilège, tu recevais automatiquement un billet aller pour l’enfer en première classe. Plus de retour possible.
Les voix te convainquirent, la veille de ta première communion, à six ans, que ton âme était noire comme le poêle à bois de votre cuisine. Tu t’étais confessé, mais tu avais peut-être caché volontairement un péché honteux ? Avais-tu avoué au curé un coup d’œil rapide sur les Playboy de ton frère ? Il les cachait pour ne pas que votre mère les trouve. Il savait qu’elle avait le ciseau censeur ! Mais, toi, son petit frère ! Tu avais caché un péché d’impureté, le pire de tous selon les voix. Pis encore, n’avais-tu pas ressenti quelque plaisir à regarder ces femmes nues ? La vitesse du regard ne comptait pas dans l’horreur du péché. Vite, pas vite, c’était un péché mortel.
Le lendemain, tu pensas remettre ta première communion. Mais quelle raison donner ? Te vomir les tripes en te mettant un doigt dans la gorge ? Pas très invitant. Dire que tu ne feelais pas bien ? Ta mère s’était acheté une belle robe neuve pour l’occasion; le repas de fête était prêt, et le gâteau avait été livré, la veille — un petit garçon agenouillé le décorait. Ton père ne serait peut-être pas mécontent, car il perdait une journée de travail au moulin à scie : « Pourquoi, veux-tu me dire, une première communion, un samedi ? » Ton frère, qui avait réponse à tout, te dirait que tu ne feelais pas parce que tu étais à jeun. Lui aussi se sentait bizarre quand il sautait un repas, ce qui lui arrivait, tous les dimanches matin, avant la messe. Il fallait être à jeun depuis minuit pour communier.
Tu communias ! Sur la photo souvenir, tu ne souris pas beaucoup. Dans ta tête, les voix faisaient le sabbat… Elles t’avaient pourtant prévenu. Tu n’en avais fait qu’à ta tête. Tant pis pour toi. Vite un acte de contrition en attendant la confession du prochain vendredi du mois. Et encore, les voix n’étaient pas sûres que ça parviendrait à calmer le courroux divin; tu avais fait une première communion sacrilège !
Tu ne te souviens pas comment l’épisode de la première communion se termina. Tu crois bien que la conviction sacrilège t’habita jusqu’à ta communion solennelle.
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L’automne venu, tu rentres fréquemment à Montréal. Tu espères que la grande ville bâillonnera les voix. Tu sors. Tu t’occupes. Tu t’étourdis. Tu fais des rencontres d’un soir, histoire de ne pas être seul, une nuit au moins.
Les voix profitent désormais de la nuit pour t’attaquer dans ton sommeil… ou ce qui lui ressemble. Un médecin te prescrit des comprimés de Halcion, un somnifère puissant qui te plonge, quelques minutes après l’avoir avalé, dans une sorte de torpeur et d’effacement. Tu n’es plus. Tu n’existes plus. Tu es inconscient. La belle vie ! Le beau vide !
Six heures pile plus tard, tu n’ouvres pas les yeux; ils décident d’eux-mêmes de s’ouvrir. Tu es revenu de l’abîme où les médocs t’avaient plongé. Les voix sont à nouveau là. Une peur, nouvelle, s’insinue dans ton cerveau plein de trous et de tunnels sans fin : la folie, l’une de ses filles du moins, la schizophrénie ou quelque chose qui s’en approche.
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Les années suivantes, le combat sera presque continuel. La marche sera ton choix des armes. De jour comme de nuit, sortir, jusqu’à l’épuisement, qui t’accordera quelques heures d’un sommeil pas vraiment réparateur. Malgré cette affliction permanente, tu fonctionnes. Tu travailles. C’est le cas de le dire, tu te tues au travail : autre arme pour contrer les attaques qui se font dorénavant chorales.
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En novembre donc — tu en as oublié les circonstances, mais tu en possèdes encore la preuve « papier » — une lueur semble poindre dans ton univers ténébreux. Un livre : Le chant de l’immédiat satori, un texte sacré du zen. Est-ce l’exotisme que ce titre dégage ? Toujours est-il que ta méfiance à l’égard des religions, surtout la catholique, qui t’a fait tant de mal et qui est à l’origine, en partie du moins, des voix qui t’assaillent — chose que tu découvriras bien plus tard –, ta méfiance donc baisse sa garde.
Tu ouvres le livre. Brusquement, tu sais qu’il te faut le lire. Urgence. Tu le paies, sors de la librairie et t’attables à un café. Tu es possédé ! Ton démon s’appelle « paix ». Tu ne le connais pas, celui-là. Tu découvres, dès les premières pages, la source — du moins, l’une d’elles — de tes maux : l’espoir, l’espérance pour les gens vertueux « théologalement ». Pour marquer le moment, tu écris ton nom et la date sur la page blanche du livre. Tu ajoutes : « Avec l’espoir de ne plus espérer. »
Ce qui semble une plongée dans le désespoir prend, au contraire, les allures d’un chemin de libération.
Le zen et sa pratique, le zazen, cette « liturgie » sans Dieu, te permettront de tenir le coup sans pour autant rendre les voix muettes. Et ce, pendant une dizaine d’années.
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Les seuls moments où les voix t’ont foutu la paix sont celles, trop brèves, que tu qualifies encore d’« heureuses » : celles de la folie créatrice où tu as prêté à tes personnages toutes les bibites qui te trottaient dans les neurones. Tu ne leur laissais pas le temps de trop parler : leurs paroles se retrouvaient sur une page qui ne restait pas blanche — vierge ? — longtemps. Un mouvement perpétuel qui t’a fait écrire, en une dizaine d’années, trois séries télévisées (plus ou moins 165 épisodes de 30 minutes), trois pièces de théâtre, une vingtaine de vidéos éducatifs, un roman jeunesse, sans oublier ta « négritude » — on dit prête-plume maintenant —, ainsi que deux ou trois romans de type « Arlequin », publiés tu ne te souviens plus sous quel pseudonyme anglophone — l’un d’eux avait pour titre Brûlure, c’est le seul souvenir que tu en as gardé.
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Le zen ne fait aucun miracle et ne guérit rien. Il te permet tout de même de tenir les voix en respect. Tu te tourneras vers les thérapies — elles sont multiples et à la mode dans les années 1980-1990 —, espérant — le maudit mot — te débarrasser des voix qui t’attaquent à l’improviste.
L’une d’elles — une thérapie, bien sûr, pas une voix — te fera remonter dans tes vies antérieures. Rien de rutilant : fermier au Moyen Âge; insurgée — origine sans doute de ton « côté féminin » — sous la Commune de Paris, et quelques autres facéties semblables. Aucune trace d’anxiété, sauf la peur de perdre une récolte ravagée par une quelconque vermine ou de te faire couper la tête par d’autres insurgés qui ne partagent soudain plus ta vision, durant la Semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871 — cette dernière précision vient d’un livre d’Histoire et non de la remonteuse de vies.
Une rebirtheuse te fera par la suite revivre ta naissance pour y découvrir, t’a-t-elle promis, LA source de tes maux. Tu aurais pu économiser les 125 $ — et un bad trip — qu’elle t’a demandés en t’informant simplement auprès de ta mère… Elle t’aurait dit que tu étais né en détresse respiratoire. Plus tard, tu auras accès à ton dossier médical — tu as reçu en cadeau un rendez-vous avec une astrologue pour qu’elle établisse ta carte du ciel — où tu liras que tu es né à « 8 h 25 » — détail précieux pour l’astrologue —, et « bleu » de ton état.
Dix ans ! Il te faudra dix ans de psys de toutes sortes, payés à prix fort, pour découvrir qu’ils ne peuvent rien pour toi, ou si peu. Dix ans à jouer le jeu du «ça va pas si mal», à faire «comme si» parce que tu sais que ça achale le monde quand tu ne vas pas bien. D’ailleurs, le monde en question ne se gêne pas pour te dire que tu es un emmerdeur de première avec tes maladies. Ça, ce sont tes amis… Tes ennemis… Quant à ta famille, tu ne lui en parles pas. Les problèmes « dans la tête » n’y sont pas bien vus : ton père te dirait de ne pas y penser; ta mère angoisserait autant que toi, et ton frère te prêcherait la bonne parole de la pensée positive.
Un épisode d’éruptions cutanées autour de la bouche fait en sorte que les voix prennent le contrôle du peu de jugement et de raison qui te reste. Un médecin décrète qu’il s’agit d’un herpès — rien pour te rassurer, et tout pour les voix qui te crient que tu vas « pourrir deboute », provoquant du coup une crise d’angoisse telle que tu te retrouves aux urgences de Saint-Luc.
Le médecin « de l’herpès » t’a prescrit une crème… qui se révèle inefficace. Un autre, plus rassurant, te dira que ton affection cutanée est un impétigo, une maladie d’enfant qui peut revenir si on en a déjà souffert à l’âge tendre, ce qui est ton cas.
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Tu es en deuxième année. Solange Boyer, ta maîtresse, te dit de rentrer chez toi parce que tu as d’étranges lésions autour de la bouche. Elle craint la contagion. Tu descends chez ta tante Simone, où tu téléphones à ta mère, qui se rend au moulin à scie afin de prévenir ton père d’aller te chercher.
Quand tu entres dans la maison, ta mère est saisie en te voyant. Elle déteste tout ce qui est boutons, picote, lésions et autres blessures sanguinolentes. Elle appelle le docteur Villemaire, votre sauveur habituel. Il vient quelques heures plus tard. Il craint on ne sait trop quoi. Il conseille donc à tes parents de te faire voir le docteur Piette, le pédiatre qui t’a sauvé la vie à huit mois. Une légende veut que ce soit plutôt saint Joseph qui t’ait guéri. Mais, ça, c’est une autre histoire.
Ta mère fait un « longue distance », comme on disait alors, au bureau du pédiatre, à Montréal. Heureusement, il peut te voir dès le lendemain. Comme ton père travaille et ne peut pas t’y conduire avec ta mère, c’est en train que tu feras le trajet. Tu essuieras les regards dégoûtés des autres passagers, entre Mont-Rolland et la gare Jean-Talon. Deux trolleybus plus tard et une salle d’attente bondée, et tu entres enfin dans le bureau du médecin.
Examen. Réflexion. Ta mère est tendue comme une corde de violon. Toi, tu n’as qu’une envie : pleurer. Le diagnostic sort enfin de la bouche du spécialiste : tu fais un impétigo, une infection bactérienne. Rien de très grave, même si c’est extrêmement contagieux. Prescription : eau d’Alibour sur les éruptions cutanées plusieurs fois par jour. Rentrée dans l’ordre prévue dans une dizaine de jours. Ta mère paie la secrétaire du docteur.
Retour à Mont-Rolland. Congé d’école jusqu’à ce que tu sois guéri. Un mal pour un bien, finalement.
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Le deuxième médecin — celui qui deviendra ton médecin de famille pendant plus de trente-cinq ans — te prescrit un antibiotique, et les éruptions cutanées, qui te donnaient des allures de tarte aux bleuets — dixit ton ami Louis-Marie —, disparaissent en quelques jours. Ton coloc peut arrêter de vomir en te voyant au petit-déjeuner.
Les voix, déçues, se sont tues ou presque. Tu profites du répit qu’elles semblent vouloir te laisser. Mais tu connais leur hypocrisie. Tu ne baisses pas complètement ta garde; tu t’en méfies.
Quelques jours passent et…
L’attaque en règle. Comme le mal de vivre chanté par Barbara, les voix ne préviennent pas, elles arrivent —, dans ton cas, elles reviennent en force. Elles te jettent par terre, te piétinent. L’angoisse est comme un torrent boueux qui menace de t’étouffer. Tu ne téléphones pas à ton médecin, tu te rends à la clinique. Tu ne gardes cependant aucun souvenir de ce déplacement. Tu te « réveilles » dans son bureau. Il te parle doucement, essaie de te redresser — tu ne fais qu’un avec ton plexus solaire — et t’invite à avaler une petite pilule.
Il était sur son départ, mais, dans l’état où tu étais, il a accepté de te recevoir. Il te veille même, le temps que la pilule fasse son effet. Quand tu as retrouvé un peu de tes esprits et que ton rythme cardiaque se calme enfin, il te parle avec précaution d’un traitement qui pourrait se révéler efficace. Il te prévient : la médication ne fera pas taire les voix, mais elle te fera plutôt découvrir leur mode de fonctionnement. Il te fait même un dessin afin de t’expliquer comment ton cerveau semble fonctionner : tes neurotransmetteurs — le nœud de ton problème — tournent en rond — c’est évidemment une façon de parler — provoquant ainsi des troubles anxieux sévères, assortis — quel mot étrange ici — de troubles obsessionnels compulsifs. Pour dire la chose vulgairement : « ils pognent une chire » et se multiplient à qui mieux mieux en se neurotransmettant. Ce ne sont évidemment pas ses mots à lui. Il s’agit plutôt de la traduction que tu en fais.
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L’époque décrie la « pharmacopée du mieux-être », comme on l’appelle. Le Nouvel Âge triomphe dans les années 1980 et début 1990. Et avec lui, le retour à l’âge de pierre en ce qui concerne les médicaments. On ne jure alors que par les plantes, les tisanes, les jeûnes, le végétarisme, les enveloppements d’algues et autres médecines qualifiées de douces. On naturopathise. On homéopathise. On ostéopathise. On acupuncturise. En ce qui concerne les maux de l’âme ou de l’esprit, quelques gouttes d’élixirs floraux de Back sont recommandées; dans le pire des cas, une irrigation du côlon est censée faire merveille.
Une tienne amie qui donne dans le surnaturel te conseille de te laisser aller, de suivre les voix. Elles t’amèneront sûrement quelque part… Aux urgences, sûrement, où, sur le conseil de cette amie, tu attendras des heures et des heures en lisant un livre qui fait fureur : La petite voix, d’Eileen Caddy. Ton amie t’a proposé cette lecture sérieusement, convaincue qu’elle est que tu y trouveras apaisement et sérénité. Elle ne comprend visiblement pas le trouble dont tu souffres.
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Tu acceptes la médication — le mot est bien choisi puisqu’il s’agit de plus d’un médicament — que ton médecin te propose. Tu te dis qu’avaler une pilule ou deux tous les matins et tous les soirs ne peut pas être pire que ce que tu connais depuis longtemps. L’éventualité ne serait-ce que d’une accalmie te remplit de joie — figure de style, il va sans dire. Autre perspective qui n’est pas sans te réjouir : dormir plus que deux ou trois heures par nuit, ce que tu n’as à peu près pas connu depuis l’âge de treize ans.
Tu présentes les ordonnances au pharmacien sans oser le regarder. Tu es passé du blanc crayeux de ton arrivée à la clinique au rouge carminé, humilié que tu es d’avoir une maladie probablement aussi honteuse qu’une chaude-pisse, même si elle se situe tout de même dans une région plus noble de ta personne. Sur le chemin du retour vers le taudis que tu habites, angle De La Gauchetière et Saint-Denis, juste au-dessus d’un tourist room et à côté d’une maison de passes, d’autres voix se manifestent, celles de certaines connaissances : « Ne prends pas anxiolytiques, ne prends pas d’antidépresseurs, ne prends pas… ne prends pas… » Elles se voient déjà, pauvres elles, obligées de te visiter à Saint-Jean-de-Dieu. Non, en fait, elles savent que jamais elles ne te visiteront, car tu n’as pas suivi leurs conseils. Leurs voix, comme les tiennes, te parlent toujours sur le ton de l’injonction : « Il ne faut pas… tu ne dois pas… c’est pas correct… c’est mal… c’est un péché… », cette dernière n’est pas nouvelle, elle remonte loin dans le temps.
On pense que les personnes qui souffrent de ce genre de trouble ne sortent plus de chez elles, tout occupées à vérifier si les éléments de leur cuisinière sont bien éteints ou leurs robinets bien fermés. D’autres prennent cinq, six douches par jour, certaines qu’elles sont sales et que la moindre chose les souille. Tu as connu une femme qui a dû être hospitalisée, attachée à son lit, pour éviter qu’elle ne se lave les mains à répétition. Les siennes s’étaient infectées par excès de propreté.
Bien que ce genre de manifestations se produisent parfois, les TOCs prennent, chez toi, une forme plus… « artistique ». Le mot est sans doute mal choisi, mais il exprime simplement que le trouble dont tu souffres prend la forme de scénarios qui… L’instant d’avant, ton coeur battait normalement ou presque; celui d’après, il bat « la chamade » — hommage à Françoise Sagan. Tu dois alors déconstruire et réécrire le scénario qui t’assaille au plus sacrant, car l’orage menace. Si tu n’y parviens pas : sueurs froides, sentiment d’asphyxie, tremblements, nausées. Durant la nuit, les crises se font plus perverses; elles commencent par la fin. Tu te réveilles trempé, étouffé, noyé dans une angoisse gluante et, aussitôt, la projection commence : l’enfer de ton enfance, dont tu avais tellement peur, est remplacé par des visions de mort, de maladie, de rejets de toutes sortes.
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Les années passent. Les TOCs restent. Ils reviennent en force dans les moments plus difficiles de la vie. Le cancer et les TOCs ne font pas bon ménage. Les deuils non plus. Contrairement à la solitude que chantait Moustaki, ils ne deviendront jamais de « vieilles habitudes ».