Après l’exorcisme

Note

J’ai écrit ceci deux ans après la chronique intitulée Exorcisme.

Récidive. Nouvelle opération. Récidive. Et ceci…

Tu aurais pu écrire ce qui suit. Mais tu l’empruntes tout de même à un auteur philosophe, découvert il y a quelques années dans l’Éloge de la faiblesse et Le philosophe nu, et qui dit ces choses bien mieux que tu ne les aurais dites.

« Certaines nuits, je me réveille en songeant que l’univers est vaste et que dans quelques années, je ne serai plus là. J’ai des angoisses et cet univers me paraît dépourvu de sens. Certains matins, je me lève avec la confiance absolue en mon cœur et je suis sûr que Dieu, qui n’est pas Dieu c’est pourquoi je l’appelle Dieu, existe et qu’il est infiniment bienveillant. »

(Alexandre Jollien, Petit traité de l’abandon, Paris, Seuil, 2012, p. 63)

∞∞∞

Certains matins, ou certains soirs, selon ton humeur, tu réalises que ce cancer pourrait t’être fatal. Que tu pourrais mourir ! Tu as de la difficulté non seulement à écrire, mais à prononcer ce mot. Même dans ta tête, il ne se meut pas bien dans le flot de tes pensées. 

Mourir. Tout quitter, même ce qui t’a fait souffrir pendant ta vie. Souffrir à l’idée de mourir. Laisser ton compagnon derrière toi. Et ta Cannelle, la plus aimante des chattes. Et tes amis, même ceux qui ne veulent pas entendre parler de ta maladie. 

Mourir. Ne plus être. 

∞∞∞

La date fatidique se rapproche. L’étau se resserre. Dans quelques jours, ce sera pour vrai. Il n’y aura plus de distance à parcourir avant de… Tu seras assis dans le bureau de l’oncologue – tu as failli écrire de « ton » oncologue, mais tu n’as pas à ce point le besoin de propriété. Il te livrera son plus récent bulletin de nouvelles, qui te concernent toutes. Tu sais déjà que ton cœur battra à se rompre. Tu tenteras, en vain, de respirer doucement. 

Jamais bulletin de nouvelles ne t’aura autant stressé. Il parlera de protocoles. Et les dés seront joués. Tu devras t’en remettre à la chance, au hasard. Tu espéreras – ce sera nouveau pour toi, car tu as plutôt tendance à désespérer – faire partie des 80 % de ceux et celles qui s’en tirent indemnes. Indemnes ? Pas sûr. En mots plus simples, tu espéreras vivre encore quelques années. 

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About pgue

Auteur, rédacteur, scripteur et «prête-plume», comme on dit maintenant dans le métier.
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1 Response to Après l’exorcisme

  1. Avatar de jrforget jrforget dit :

    J’ai d’abord lu en diagonale et j’ai été frappé de lire que Dieu est infiniment bienveillant. En relisant, j’ai compris que le texte était de quelqu’un d’autre. Me semblait aussi, ça ne ressemble pas au mot que tu as déjà employé, quelque chose comme dieu revanchard. Pour le reste du texte, je vois que tu es normal, tous les septuagénaires doivent se poser les mêmes questions sur la vie qui nous reste à vivre avec nos bonheurs et nos bobos. Pour écrire comme je parle, on est des chars usagés qui ont besoin de voir le mécanicien de temps en temps, et la rouille finit par sortir. Ça cogne à la porte, c’est le temps de ma marche. À bientôt.
    Jacques

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