J’ai toujours beaucoup lu. Je lis encore beaucoup. Et sur du papier la plupart du temps. Je ne m’habitue pas aux liseuses et autres instruments électroniques de lecture.
Ces derniers mois, plusieurs livres m’ont procuré des heures et des heures de bonheur. Cannelle sur mes genoux, je me laisse glisser dans des univers parallèles. Ma condition physique ne me permet plus de voyager. Les livres sont moins coûteux…
Palmarès
• Souffler dans la cassette de Jonathan Bécotte
Un roman poétique, un premier roman tout à fait adorable. Qu’on ne prenne pas cet adjectif dans son sens doucereux. Loin de là! L’auteur décrit une amitié entre deux jeunes du primaire, leurs jeux, leurs secrets.
J’aimerais bien garder d’aussi beaux souvenirs de mon enfance. La mienne s’est interrompue, à onze ans, quand je suis entré au juvénat. On m’y a fait vieillir trop vite. On a mis un frein à mes élans créateurs. Tout était régulé pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de mon âme. On m’a humilié plus souvent qu’à mon tour, toujours pour mon salut, et le plaisir de mes confrères qui s’amusaient à mes dépens. On m’a inculqué que seul l’amour de Dieu était permis.
Bien sûr, il y eut des êtres lumineux qui m’ont permis de croire à la bonté humaine. Frère Jean-Louis, qui m’a enseigné le chant et m’a fait aimer le latin. Un autre, dont j’oublie malheureusement le nom, qui m’a fait travailler fort pour me guérir de mon bégaiement. Pourtant, mon défaut de langue faisait la joie de mes confrères quand c’était mon tour de lire au réfectoire pendant les repas que nous prenions en silence. Ce même frère m’a donné le goût de la littérature, même si celle que nous fréquentions était expurgée, toujours pour le bien de nos âmes.
Heureusement, déjà à cette époque, la lecture me permettait de fuir, pour un temps du moins, la tristesse qui était désormais mon lot.
• Caligula, d’Albert Camus
J’ai relu cette pièce avant d’assister à sa représentation au TNM, cet hiver. J’aurais dû me contenter de la relire…
• La Sacrée Semaine qui changea la face du monde de Marc Augé
Un conte cocasse, insolent et quelque peu irrévérencieux.
Marc Augé, l’un des plus grands anthropologues français, écrit en exergue de son ouvrage : « Je ne doute pas que le pape François témoigne d’une souriante indulgence pour l’hommage qu’a souhaité lui rendre l’athée que je suis en lui faisant audacieusement endosser le premier rôle dans ce conte subversif et humaniste. »
Un dimanche de Pâques, le pape François s’adresse à la foule, place Saint-Pierre. Au grand étonnement des pèlerins, il prononce trois mots qui vont changer la face du monde : « Dio non esiste. »
Depuis mes années « religieuses », j’ai toujours éprouvé un certain plaisir à la désobéissance sous toutes ses formes. On m’a tellement dit que je devais être un bon garçon, que je devais obéir à Dieu qui m’appelait à le suivre, que mes parents seraient tellement déçus d’apprendre mes méfaits… J’en suis venu à désobéir en pensée! Ni vu ni connu. Et désobéissant tout de même.
• Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson
Besson à qui sa mère répétait « Arrête avec tes histoires », lui obéit. Il dit la vérité sur un amour d’adolescence, qu’il a toujours gardé secret, et qui ne l’en a pas moins rattrapé, des années plus tard.
Un grand roman tout simple dont Bernard Pivot a écrit dans le Journal du dimanche : « Philippe Besson est un spéléologue de l’intime. »
Un récit sans mièvrerie qui raconte pourtant une histoire douloureuse. Deux adolescents découvrent un lien qui les unit. L’un s’y attache. L’autre le fuit. Et des années plus tard…
• Une démarche de chat, Notes sur une façon de vivre de Gilles Archambault
Quelques pages sur le métier d’écrire. J’ai le plus grand des respects pour Gilles Archambault. Ses livres m’ont toujours emballé. Sa voix… Ses pas… Sa « musique », pour utiliser un cliché.
J’ai pratiqué le métier de l’écriture, mais je ne suis pas un écrivain. Tout au plus, un auteur de télévision, dont les séries pour enfant ont connu, à l’époque, un certain succès.
Écrivain peut-être en quelques occasions : lors de l’écriture d’un roman (inédit) qui a donné vie quelques années plus tard à ma série Le Grenier; lors de la parution chez Québec Amérique de mon roman Pas d’hiver, quelle misère! et, enfin, lors de l’écriture d’Un visage dans mon rêve, un drame romantique (inédit) sur un épisode de la vie de Laure Conan, notre première romancière canadienne-française.
• Combien de temps encore? de Gilles Archambault
«Vient un temps où l’existence d’un être n’est plus faite que de souvenirs, d’amours anciennes et de retrouvailles avec son passé, éclairés ça et là par des moments de grâce et de lucidité d’autant plus précieux qu’ils ne reviendront plus.» (Quatrième de couverture)
Tout est dit.
• Éloge du blasphème de Caroline Fourest
Un titre choc, peut-être. Mais un livre phare pour notre société où la laïcité est si souvent malmenée. Une réponse au «oui, mais» de nos politiciens à-plat-ventristes qui, en ménageant la chèvre et le chou et, ainsi, se gagner des votes, malmènent les idéaux de nos démocraties.
• La quête de la fille disparue de Pauline Michel et Mario Pelletier
Si ce titre arrive en dernier, il ne faut pas y voir une critique de sa qualité. Simplement, que je l’ai terminé hier soir.
Beau, très beau. Étonnant, aussi. Surprenant, parfois. Envoûtant.
Mon amie Pauline me surprendra toujours. Je garde de nos collaborations passées un souvenir ému. Il y avait de la folie, de la grâce, de la souffrance aussi quand nous nous sentions incompris. Oui, le mot « grâce » me vient tout de suite à l’esprit quand je pense à Pauline et à son œuvre.
• Mes mille et une nuits de Ruwn Ogien
Un essai d’un philosophe qui vient de mourir du cancer dont il parle dans ce livre. Une transgression, une désobéissance, un questionnement sur les clichés qui entourent la maladie. Des exemples; Le cadavre du dolorisme bouge encore (chapitre 1); Ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort (chapitre 6); Pourquoi faudrait-il être “résilient”? (chapitre 7); Les cinq stades du deuil : une fantaisie New Age (chapitre 10); Les malades ont-ils une supériorité intellectuelle et morale sur les bien-portants? (chapitre 13); La maladie comme drame et comédie (chapitre 14); La souffrance ni nécessaire ni suffisante (chapitre 19).
Malgré la gravité du sujet, un livre réjouissant qui m’a réconcilié avec ce que je ressentais pendant que je “combattais” (je le combats toujours) un cancer.
• Le Québec n’existe pas de Maxime Blanchard
Il n’y va pas de main morte, ce Blanchard, professeur à la City University of New York. Son personnage, Éric Langevin, regarde son pays – le Québec, car il est indépendantiste – « chavirer dans l’insignifiance », dixit la quatrième de couverture. De découverte en découverte, de mélancolie en mélancolie, il effectue une véritable descente aux enfers.
Un livre qui secoue, qui débusque nos bêtises et nous les place en pleine face.