Remue-émotions

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Jean-Guy, Jacques R., Gilles.

Quelle belle journée! Malgré la pluie et le temps froid. Une journée chaleureuse. Le rendez-vous, après presque cinquante ans, avec les anciens confrères maristes et certains professeurs ou supérieurs.

Je l’avoue : je craignais un peu ce genre de retrouvailles. Depuis mes ennuis de santé, j’ai les émotions à fleur de peau. Et je n’étais pas certain que ce retour aux sources ne ferait pas remonter en moi des souvenirs que je m’étais fait un devoir d’oublier. Car, ne nous cachons pas la vérité, les souvenirs ne sont pas tous heureux, même gommés par le temps.

Nous étions de jeunes aspirants à la vie religieuse, mais nous n’en étions pas moins des ados — non, en 1959, à onze ou douze ans, nous étions encore des enfants — parfois  méchants.

J’en sais quelque chose, moi qui, durant plusieurs de ces années «en religion», comme on disait alors, ai été inévitablement choisi le dernier dans toutes les équipes sportives. Et on ne se gênait pas pour dire : «Guénette, t’es le dernier, on n’a pas le choix.»

C’est vrai que j’étais nul en sport. Et d’une maigreur à faire rire aux éclats mes confrères quand je devais me présenter devant eux en maillot de bain. Peut-être mon goût du théâtre et d’être en représentation m’est-il venu de là? Comment ne pas être conscient que l’on produit un certain effet sur les autres quand, par maladresse, on saute directement par-dessus le cheval allemand et qu’on atterrit du mieux qu’on peut sur un tapis, ma foi, pas aussi épais qu’on le voudrait? Comment ignorer l’effet produit quand, toujours par maladresse, on se retrouve à cheval sur les durs élastiques du trampoline? Et ridiculisé par le maître de salle, que je vouai aux gémonies aussitôt que je connus le sens de cette expression.

Et que dire de ma «béguitude», quelques années plus tard, qui n’allait pas améliorer les choses! Lire au réfectoire, pendant le petit-déjeuner, une notice biographique sur Kateri Tekakwhita quand on bégaie, ce n’est pas évident. Encore une fois, j’étais sûr de produire un effet certain. Les petits-déjeuners du postulat et du noviciat n’étaient jamais aussi drôles que lorsque je faisais la lecture. Ce qu’on me présentait comme un exercice d’humilité était, en fait, pour moi, une exercice d’humiliation.

J’ose le dire : je ne donnais pas ma place quand il s’agissait, à mon tour, de me moquer. Je pouvais avoir la langue acérée. J’avais le sens de la répartie. En Éléments latins A, premier de classe, en alternance avec Jacques F., je me permettais parfois de regarder de haut ceux qui me faisaient toujours jouer «à la vache» à la balle molle ou qui me visaient «dans’face» au ballon chasseur. Et que dire de ceux qui subirent mes punitions — parfois de match — quand, découragé de mes performances, le directeur décida de faire de moi un arbitre. Je sentis alors que je tenais l’objet de ma vengeance. Quand les équipes me voyaient entrer sur la patinoire, très souvent avec mon ami Maurice D. comme juge de lignes, j’entendais des récriminations. J’en enregistrais les auteurs… Et gare à celui que je prenais ensuite en défaut! Je savourai sans doute mes plus jouissives vengeances sur la patinoire, moi qui détestais — et déteste toujours — le hockey.

Alors, en ce samedi pluvieux, les «mauvais» souvenirs se sont estompés. J’ai profité pleinement de ces retrouvailles.

À suivre.

 

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About pgue

Auteur, rédacteur, scripteur et «prête-plume», comme on dit maintenant dans le métier.
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1 Response to Remue-émotions

  1. J’ai hâte de lire la suite.

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