À la veille d’entamer ma soixante-cinquième année, le temps était venu de prendre des résolutions.
La franchise m’avait toujours nui — j’étais, me disait-on, trop fin, trop bonasse, en fait — pour me permettre de dire la vérité. J’avais compris qu’il fallait toujours dire ce que l’autre en face de moi voulait entendre. Mais, même là, il m’était très souvent arrivé qu’on me criât — ah! la douceur d’un subjonctif — des noms en m’accusant de complaisance.
Il allait de soi que je ne choisirais pas le mensonge en lieu et place de la vérité. Non. Je pensais faire vœu de silence. Je deviendrais une immense oreille écoutante — depuis que les élèves sont devenus des apprenants, mon oreille peut bien devenir écoutante. Et je garderais toujours et partout un devoir silencieux de réserve.
Si je manquais à mon vœu, si je dérogeais de la règle du silence que je désirais désormais suivre, il faudrait qu’au moins je n’utilise jamais le « parce que » — j’étais trop vieux pour me justifier —, et qu’à l’image et au modèle de notre Gracieuse Majesté, je fasse miennes cette règle d’or : Never explain! Never complain!
À la veille d’entamer ma soixante-cinquième année, je demandai à Dieu de me venir en aide. Et que God save the Queen!