Je crois que Gaïa, la déesse-mère, n’a pas aimé que je veuille écrire une chronique sur son visage à deux faces. Eh oui, je la décrivais ainsi, d’un clavier agile et particulièrement inspiré quand, soudain, une fausse manœuvre : perte totale. Je ne retrouve pas le brouillon. J’en livre ici l’essentiel, qui n’est pas «le ciel», comme disait le père Desmarais, de malheureuse mémoire.
Il s’agissait d’une réflexion à partir d’un roman, lu ces derniers jours. Un scientifique y soutenait, devant une classe d’étudiants californiens éberlués, que la Nature n’était pas celle qu’ils croyaient, celle qu’on leur avait présentée, depuis les années 1960, comme Gaïa, pour ne pas la nommer, que les féministes de la côte Ouest avaient déifiée pour faire concurrence à Notre Père qui es aux cieux. Tous les maux que nous avions vécus jusqu’alors venaient que nous l’avions ignorée.
Gaïa donna alors naissance à deux rejetons : Environnement et Santé, qui partirent à la conquête des âmes et des esprits. Ils devinrent même des religions pour plusieurs — il faut croire que l’esprit humain a besoin de croyances. Et leur firent oublier que celle qu’ils se plaisaient à appeler Dame Nature, quand ce n’était pas le sirupeux Mère Nature, avait une face, bien cachée, et qui aurait peut-être eu avantage à le rester. Car, c’est bien déprimant de découvrir, un beau jour, que notre maman, comme le soutenait le scientifique dans le roman, n’a rien de bon en soi. Et même qu’elle s’est toujours appliquée, «religieusement» pourrions-nous dire, à détruire la race humaine. C’était, toujours selon le scientifique, inscrit dans ses gènes.
La Nature ne veut pas notre bien, soutenait-il; au contraire, elle ne peut pas nous sentir, elle fait tout pour nous éliminer, et elle cache son jeu en nous faisant croire que nous sommes les artisans de nos propres malheurs, et qu’elle, innocente, n’y est pour rien. Elle nous endort en utilisant frauduleusement le chant des baleines et celui des oiseaux.
Un pavé dans la mare! pour les oreilles chastes des étudiants californiens. Leur mère les avait non seulement abandonnés à leur sort, mais elle s’acharnait à les faire disparaître, eux et tous les autres de leur race… Y avoir pensé plus tôt, elle aurait avorté!
L’idée m’a semblé intéressante. En y repensant bien, le scientifique n’avait pas totalement tort. À en croire le discours environnementaliste, nouvelle religion, nouvel opium du peuple, nous sommes responsables, pour ne pas dire coupables, de tout ce qui nous arrive. Et Maman Nature n’a rien à voir là-dedans. Qu’on se le tienne pour dit. Ainsi, quand la grippe espagnole a fait des millions de morts, elle devait être en train de tricoter des papattes pour ses petits, et elle ne s’est pas rendue compte qu’elle les tricotait pour rien, parce que ses petits mouraient tous les uns après les autres.
Voilà. Je m’apprête à publier cette chronique. Souhaitons que Gaïa ne me joue pas le même tour que plus tôt.