11 septembre 2001

Dies iræ, dies illa! Jour de colère que ce jour-là! Colère des terroristes musulmans contre l’Amérique et l’Ouest. Colère de l’Amérique et du reste du monde, même musulman, contre ceux qu’ils qualifiaient de «fous de Dieu». Nous savons depuis ce jour — nous le savions déjà, mais nous ne voulions pas l’admettre — que l’extrémisme religieux pouvait mener à la pire des folies. L’Occident chrétien ne se rappelait plus les exactions qu’il avait lui-même commis au nom de son Dieu. Et le réveil était cruel. Hallucinant même, pour nos sociétés avides de spectaculaire. En fait de spectacle, nous étions servis.

J’étais dans les bureaux de Novalis, rue Hutchison. C’était jour de rentrée pour Marielle — ma Frimousse du Grenier — et moi. J’avais pensé à elle pour coécrire une série de livres scolaires. J’avais vanté ses mérites à Hélène Régnier, l’éditrice, lui rappelant, entre autres réalisations de Marielle, son adaptation de Bilbo, un chef-d’œuvre, qu’elle avait réalisée pour le Théâtre Sans Fil. Une merveille d’intelligence, de sensibilité et de respect de l’œuvre originale. Comme Hélène m’accordait sa confiance, elle l’avait engagée pour la rédaction de matériel scolaire — le dernier que nous devions réaliser ensemble, Hélène et moi, notre septième ou huitième depuis les années 1980.

Donc, c’était jour de rentrée pour Marielle et moi. Nous nous sentions comme des enfants, leur première journée d’école. Nous avions des cahiers neufs, des stylos neufs; Marielle avait même un ordinateur neuf. Mais notre rentrée n’a pas eu lieu. À notre arrivée chez Novalis, tout le monde courait. Tout le monde s’énervait. Tout le monde était sous le choc. Un accident aérien s’était produit au-dessus de Manhattan, entendait-on.

Nous avons suivi le rythme, Marielle et moi, jusqu’à une salle — improvisée — de visionnement. Et là, nous avons vu l’horreur. Ça ne pouvait pas être un accident. Ce n’en était pas un. À moins qu’un deuxième avi0n ne percute accidentellement les tours… Le silence nous est tombé dessus. Nous n’en croyions pas nos yeux et nos oreilles! Nous assistions en direct à l’Impossible, à l’Invraisemblable, à l’Insupportable. Nous avons senti, sans le dire, que le 11 septembre serait une date que nous n’oublierions jamais. Comme celle de la mort de John F. Kennedy.

Retour en arrière.

Novembre 1963. Le maître des novices nous réunit devant le téléviseur du réfectoire. Il nous prévient qu’un drame terrible s’est produit. Il faut que l’événement soit grave pour que nous puissions regarder la télé, en semaine, alors que nous ne suivons que L’heure du concile, le dimanche en fin d’après-midi, avant les vêpres. Nous découvrons alors, en noir et blanc, l’horreur de l’assassinat du président américain… en direct, ou presque.

Retour à un présent… qui n’en remonte pas moins à 2001.

Marielle et moi attendons l’autobus en silence. Nous rentrons chez nous. Notre rentrée est remise à la semaine suivante. Le bus est silencieux; e wagon de métro aussi.

Nos parents ont entendu, à la radio, l’annonce de la déclaration de guerre, en 1939. Nous, nous y avons assisté en direct. Et trois cents fois plutôt qu’une quand nous avons vu, vu et revu le deuxième avion s’enfoncer dans la tour. Le monde venait d’entrer en guerre. Encore une fois.

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Auteur, rédacteur, scripteur et «prête-plume», comme on dit maintenant dans le métier.
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1 Response to 11 septembre 2001

  1. Pierre, quel souvenir où la joie et l’horreur se mêlent ! J’ai eu le coeur serré en lisant ce très beau texte. Et puis, j’ai été frappée, encore une fois, par l’importance de ta présence dans ma vie. Depuis très longtemps, tu es là, posé comme un ange à des étapes de ma vie, et tu m’ouvres des voies. Sois béni. Je t’aime.

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