Selon ta mère, il neigeait à plein temps, le jour où tu es né. Elle l’avait vu par la fenêtre de sa chambre de l’hôpital Notre-Dame, qui donnait sur le parc Lafontaine. Chaque fois que tu passes devant l’hôpital, chaque fois que tu y entres — ces temps-ci, particulièrement, quand tu te rends en oncologie —, tu as une pensée pour ta mère. Elle avait quarante et un ans et elle s’était retrouvée enceinte. Retrouvée, sans le désirer. Tu as su très jeune que tu n’avais pas été souhaité. Mais cela ne t’a pas empêché d’être aimé. Beaucoup. Tendrement. Trop, peut-être. Tu étais « inespéré et inattendu », pour reprendre le titre d’une pièce de Ducharme. Neuf ans plus tôt, à la naissance de ton frère, le docteur Magnan avait dit à ta mère qu’il ne devait pas être à nouveau enceinte. Pour sa vie à elle. Mais le destin en a décidé autrement. Quelques années après la naissance de ton frère, elle a fait une fausse-couche. Puis, « on ne contrôlait pas ça, dans mon temps », comme elle disait, et la nouvelle est tombée. Sans doute comme une tonne de briques sur sa vie de femme au début de la quarantaine. Cela n’a pas dû être la joie. Neuf long mois ou presque, car on t’a extrait de son ventre un peu avant la date de tombée. Ça ne se présentait pas bien, paraît-il. Et comme si cela ne suffisait pas, on a dû retarder la césarienne, car, c’était la loi d’alors, ton père n’en avait pas signé l’autorisation. En son absence, comme ce fut le cas, on plaça ta mère sur une voie de garage pendant qu’on tentait de rejoindre ton père. Il fallut plus de deux heures pour que son placet arrive enfin. La bonne sœur, qui reçut le télégramme, releva ses jupes et courut jusqu’à la salle d’opération. Le bon docteur Magnan pouvait procéder! Et tu es arrivé, ce matin du 25 novembre 1947. « Il neigeait à plein temps », cette phrase, ta mère te la répéterait, année après année, le matin de ton anniversaire, aux aurores, afin d’être la première à te le souhaiter. La dernière fois, ce fut en 2003, car, l’année suivante, elle vous avait quittés, ton père, ton frère et toi, à la fin de l’été.
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